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Nationalité par mariage

Le 02 janvier 2012

La Nationalité par mariage n’est pas frauduleuse, en cas de procédure de divorce

Le 23 juin 2001 à LYON, Abdelmajid X , de nationalité marocaine a contracté mariage Catherine ,de nationalité française;



En application des dispositions de l'article 21-2 du Code Civil, Abdelmajid X ... a, le 7 novembre 2002, souscrit une déclaration de nationalité française qui a été enregistrée le 20 octobre 2003.

Informé par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement de la séparation des époux X ... -A ... dans l'année qui a suivi l'enregistrement de la déclaration, par exploit du 25 novembre 2007, le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de LYON a fait assigner Abdelmajid X ... en annulation de l'enregistrement de la déclaration de nationalité française sur le fondement de l'article 26-4 dernier alinéa du Code Civil instituant une présomption de fraude.

C’est sur cette présomption de fraude que par jugement du 14 mai 2009 le Tribunal de Grande Instance de LYON a annulé l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 7 novembre 2002 par Abdelmajid X ... et constaté l'extranéité de ce dernier;

Se posait dans cette affaire la question de la prescription biennale instituée par l'article 26-4 alinéa 3 du Code Civil et celle de la réalité de l’intention matrimoniale.


En vertu de l’article 26-4 du Code civil, l'action du Ministère Public aurait pu être jugée irrecevable comme tardive pour être intervenue plus de deux ans après la transcription du jugement de divorce.

Aux termes des articles 1081 à 1082-1 du Code de procédure civile, en effet, la publicité du jugement de divorce ou de séparation de corps s’effectue par la transcription de son dispositif sur les registres de l’état civil ainsi que sur les actes de mariage et de naissance de parties.

C’est cette publicité qui confère l’opposabilité du jugement au tiers, et dont, a priori, fait partie le Ministère public.

En l’espèce, le Ministère public a été informé de la séparation des époux dès 2004, notamment grâce au signalement du greffier en chef d’un Tribunal d'Instance et n’avait soulevé sa contestation qu’à compter du 25 novembre 2007, donc plus de deux ans après la connaissance de l’éventuelle fraude.

En appel, le Procureur Général soutenait que le signalement effectué par le Tribunal d'Instance de VILLEURBANNE (Rhône) ne pouvait faire courir le délai prévu par l'article 26-4 dernier alinéa du Code Civil que s’il a été adressé ministre de la Justice, qui n’est pas souvent informé des transcription des jugements de divorce sur les actes d'état-civil .


Attendu que l'article 26-4 alinéa 3 du Code Civil dispose que l'enregistrement peut être contesté par le Ministère Public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte;

La Cour d’appel a rejeté le moyen fondé sur la prescription biennale de l’action du Ministère public :

« Attendu que seul le Ministère Public ayant qualité pour agir sur instructions du ministre de la Justice en matière de nationalité, ce délai ne peut courir qu'à compter du jour où soit le Ministère Public, soit le ministre de la Justice ont été informés de l'existence possible d'un mensonge ou d'une fraude;

Attendu que s'il paraît ressortir des pièces produites aux débats que le Tribunal d'Instance de VILLEURBANNE (Rhône) aurait signalé l'existence possible d'une fraude le 20 octobre 2004, ce signalement a été adressé à l'autorité chargée de l'enregistrement de la déclaration de nationalité française et non pas au Garde des Sceaux;

Attendu que si la transcription d'un jugement de divorce sur les registres de l'état-civil rend cette décision opposable à tous, y compris au Ministère Public, elle n'a pas pour effet de porter l'existence de la fraude à la connaissance de ce dernier;

que cette opposabilité se limite à son objet, c'est-à-dire au divorce lui-même et à ses conséquences légales exclusivement ».

Cette motivation nous paraît pourtant critiquable, en qu’elle instaure une inégalité entre les entre le Ministre de la justice et le Ministère public d’une part et les simples justiciables, ces derniers devant supporter les conséquences de l’organisation de l’administration de la justice.

A notre avis, la Cour ne s’est pas suffisamment penché sur le rôle de l’administration chargée de l’enregistrement de la déclaration de la nationalité pour déterminer son lien avec le service chargé de la contestation, qui relève pourtant de la même administration du Garde de Sceaux.

La Cour a néanmoins infirmé le jugement sur le fondement de la réalité de l’intention matrimoniale, en dépit de la séparation des époux :

«  Attendu au fond, que ce même texte dispose également que la cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude;

qu'il s'agit d'une présomption simple qui peut être renversée par la preuve contraire dont la charge pèse sur le souscripteur de la déclaration de nationalité française;

Attendu qu'il est constant que l'épouse de l'appelant a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle en vue d'engager une action en divorce huit mois environ avant l'enregistrement litigieux;

que toutefois, le seul fait pour un époux de solliciter l'aide juridictionnelle pour engager une action en divorce est insuffisant à caractériser la cessation de la communauté de vie entre les époux mais indique seulement que l'un d'entre eux au moins l'envisage;


Attendu que si l'on considère que la communauté de vie entre les époux a cessé au moins depuis le 1er juin 2004, date de l'ordonnance de non-conciliation, soit moins de douze mois après l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par Abdelmajid X ... , l'appelant démontre cependant par les nombreuses pièces qu'il verse aux débats, notamment par des attestations de son ex-épouse, de parents et d'amis, par des documents fiscaux, administratifs ou des justificatifs tels que factures, quittances et autres semblables, qu'une communauté de vie a réellement existé entre les époux X ... -A ... et qu'en contractant mariage ils n'ont pas détourné cette institution de son objet dans le seul but de permettre à Abdelmajid X ... d'obtenir indûment la nationalité française ».  (CA LYON, 2ème chambre, RG09/03958 du 24 jan. 2011)

Une leçon donc à retenir : en cas de contestation de votre déclaration de nationalité pour rupture de la communauté de vie, il faut tout conservé pour prouver que l’intention matrimoniale.